Témoignage de Zoé et Robin, parents d’un ado zèbre en souffrance

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Voici le témoignage de Zoé et Robin, parents d’un adolescent de 12 ans mais aussi d’une adolescente de 14 ans et d’une cadette de 8 ans. A la base, une famille qui a tout pour plaire. Mais c’était sans compter sur cette vague qui les a submergé durant l’enfance de leur fils. Un profil haut potentiel et hypersensible qui le fait souffrir.

Attention, ce témoignage peut être difficile à lire pour certains. 

TW dépression et envies suicidaires

Enfant garçon triste - témoignage de parents d'un adolescent hypersensible et haut potentiel en souffrance, envie de suicide

Comment avez-vous su que votre enfant était un zèbre?

Dès la naissance ! A la naissance de notre fils, j’ai senti qu’il se passait quelque chose de pas normal. Il est né avec le cordon autour du cou et a mis quelques minutes avant de pousser ses premiers cris. Ça peut paraître anodin, mais mon instinct m’a fait sentir quelque chose. Et ça ne m’a jamais quitté ensuite..

En grandissant, notre bébé était à priori tout à fait normal, il se développait comme tous les bébés, pas de souci de santé, heureusement ! Pourtant, en tant que maman, j’ai vite remarqué quelques petites choses « différentes ». Notre fils était un bébé calme, tranquille et souriant. Pourtant, il avait un besoin très fort d’être porté. Instinctivement, je le portais en écharpe tout le temps. Il s’endormait contre moi, on faisait beaucoup de promenades… J’ai compris plus tard qu’il avait des besoin intenses. C’est une médecin qui m’a aiguillé en ce sens, le BABI.

Ce qui m’a marqué en revanche, ce sont les réactions de notre entourage. Ce sont ces signes qui m’ont alerté sur le fait que mon fils était finalement différent, alors que moi j’étais dans une bulle avec lui où je répondais parfaitement à ses besoins.

On m’a par exemple reproché de l’allaiter trop longtemps (plus de 3 ans), de le porter trop souvent. On m’a dit que son retard à parler était dû à la pratique du langage des signes pour bébés que j’avais fait avec lui… Plein de critiques à l’encontre de moi sa maman, me tenant responsable de ses difficultés, de son retard dans le langage, de ses colères… Heureusement, j’avais une médecin géniale qui me rassurait que bien au contraire, ce que je faisais avec mon enfant l’aidait au lieu de le desservir. Grâce à l’allaitement, je l’apaisais. Grâce aux signes, il pouvait communiquer bien avant de commencer à parler… Mais le doute était là…

Quels signes avez-vous surtout relevé chez votre enfant ?

J’ai surtout senti des signes liés à l’hypersensibilité. Au travers de ses émotions, notre enfant se montrait très intense. Dans la joie comme dans les colères. C’est un enfant qui, quand il était petit, avait beaucoup d’humour, il aimait faire rire, faire le clown, faire des spectacles dans les repas de famille.. Mais il était trop heureux. Il ne savait pas s’arrêter. Il était vite trop excité. Comme beaucoup d’enfants certes, mais c’était encore plus intense chez lui. C’est un enfant qui est vite submergé par ses émotions, qui ressortent malheureusement souvent sous forme de colère. Des colères qui se sont amplifiées au fil des ans, jusqu’à envahir notre quotidien et bouleverser notre famille…

Il y a eu aussi ses besoins intenses qui m’ont mis la puce à l’oreille. Lorsqu’on m’a parlé de BABI, je me suis longuement renseigné sur ce sujet et je reconnaissais beaucoup mon enfant. Pourtant, à cette époque, je ne pensais absolument pas à un quelconque haut potentiel ou une précocité en quoi que ce soit..

En grandissant, nous avons remarqué d’autres signes chez notre enfant, comme sa très bonne mémoire, pour les comptines et chansons, sa concentration dans les jeux de constructions, un attrait fort pour les puzzles qui devenaient de plus en plus complexes, les Légos…. Puis avec l’école, nous avons pu voir ses facilitées dans l’apprentissage. Au début ça ne sautait pas forcément aux yeux, il aimait apprendre, il n’avait pas de difficultés particulières, il faisait vite son travail. Mais l’écart se creusait avec ses camarades qui ne retenaient pas aussi bien les poésies, qui ne faisaient pas toujours leurs devoirs… Et notre fils lui était comme un poisson dans l’eau. Enfin, surtout dans les premières années de primaire. C’est devenu plus compliqué ensuite..

Enfant garçon triste - témoignage de parents d'un adolescent hypersensible et haut potentiel en souffrance, envie de suicide

Votre enfant a rencontré de grosses difficultés à l'école vous m'avez raconté. Comment ça se passait ? Comment est-il aujourd'hui ?

Les vraies difficultés ont commencé à apparaître vers le CE2 mais nous avons pris conscience de l’ampleur du problème vers le CM1-CM2. Notre fils nous parlait de plus en plus de disputes entre camarades, qui tournaient petit à petit en bagarres, en séparations. Fini la bande de copains qui se crêpe parfois le chignon mais on reste copains quand même. Notre fils ne supportait plus certains comportements chez ses camarades et ne parvenait plus à prendre sur lui.

Ce que nous avons remarqué, c’est que notre fils faisait preuve d’une grande maturité intellectuelle accompagnée hélas d’une grande immaturité à gérer ses émotions. Il a commencé à ne plus admettre les moqueries des enfants envers les autres, la triche à l’école, les mauvais comportement de ses camarades… Sauf que, lorsqu’il repérait quelque chose qui n’allait pas, il allait voir l’enfant, et se disputait avec lui. Ce qui avait pour conséquence d’être rejeté du groupe. Il avait un sens aigu de la justice, il ne supportait pas que l’on se comporte mal et n’hésitait pas à le faire savoir !

Nous avons commencé à voir notre enfant revenir en colère de l’école, se renfermer sur lui-même, puis exploser le soir en cris et larmes. Il a commencé à avoir la boule au ventre avant de partir à l’école, puis même à refuser d’y aller.. Ça a continué ainsi jusqu’au collège. A changer de copains régulièrement, après de grandes disputes avec eux..

Mais ce qui a profondément changé chez notre enfant, au point d’affecter toute notre famille et la fragiliser, c’est l’addiction que notre fils a développé pour les écrans. A partir de 8 ans, notre fils a commencé à devenir accro aux jeux vidéos notamment. Nous avons pourtant tout tenté pour ne pas le laisser sombrer. Nous avons mis des limites, retarder l’autorisation d’avoir une console, un téléphone, un ordinateur. Ce qui avait marché parfaitement avec sa grande sœur, les règles, les limites.. ne fonctionnaient absolument pas avec notre fils. Et malheureusement, ce n’est que bien plus tard que nous avons compris pourquoi. 

Notre fils, au fil des ans, a commencé à s’enfermer virtuellement puis physiquement dans son monde d’écran. Il réclamait des temps de jeux. Au départ comme tous les enfants de son âge. Comment empêcher un enfant de cette génération quand tous ses camarades ne parlent que de ça et se retrouvent le soir en jeu en réseau ? Ces temps de jeux d’abord autorisés par nous sont devenus imposés par notre fils. J’ai conscience qu’il est facile de nous juger de l’extérieur, sans savoir ce que nous avons vécu au fils des années. Mais les colères de notre fils, et surtout sa souffrance (ce que nous avons compris bien plus tard..) nous poussaient à céder à son besoin. Cet univers était pour lui un exutoire, une bulle d’air où il pouvait souffler, maîtriser ses émotions, contrairement à la réalité qu’il devait subir.

En devenant ado, nous n’avons plus rien maîtrisé. C’est un aveu terrible à faire. Notre enfant sombrait dans un mal-être et son échappatoire dans les écrans, vidéos ou jeux-vidéos, semblaient la seule chose qui le maintenait en surface. Aujourd’hui nous pouvons le dire, nous avons eu peur pour lui. Nous avons eu peur qu’il craque. Enfin, il a craqué tellement de fois, des colères incroyables, qui devenaient petit à petit violentes également. Mais nous avions peur qu’il se fasse du mal. 

Certes nous avions conscience que les écrans lui faisaient aussi du mal. Cette sur-stimulation sensorielle n’était pas bonne pour lui. Et puis il commençait à se délaisser physiquement, à moins manger, à ne plus s’occuper de lui, à refuser faire du sport… Il ne parlait plus en famille, se contentant de quelques mots (comme n’importe quel ado cependant). Il se disputait tout le temps avec ses soeurs, avec ses parents. Il était devenu accro, comme une drogue… Pourtant, nous sommes convaincus que c’est cette bulle qui l’a aidé aussi à supporter le monde réel qui le dégoûtait. La vie d’un adolescent n’est pas toujours facile…

Aujourd’hui ça va mieux. Il a grandi, il a mûri. Même s’il reste le même, avec son aversion de l’injustice, il parvient à prendre davantage sur lui et à lâcher-prise sur ce qu’il vit. Il est un peu plus apaisé aussi. Il renoue doucement avec sa famille même si c’est encore fragile.

Et vous, comment le vivez vous, comment l'aidez vous ?

Ça a été très dur pour notre famille et notre couple. Lorsque notre enfant était petit, nous avons eu beaucoup de critiques et d’avis non-sollicités. Et moi surtout sa maman, j’en ai beaucoup souffert, j’ai beaucoup douté de mes choix.. 

Quand notre fils a été plus grand, ce sont ses colères qui ont envahi notre sphère familiale. Elles étaient de plus en plus envahissantes, et même violentes. Nous avons commencé à nous disputer entre parents, car nous ne savions plus quelle direction prendre. Fallait-il être plus sévère envers lui ? Au risque de le perdre définitivement.. Au plus à l’écoute ? au risque de nous perdre nous-même tellement cet accompagnement était épuisant pour nous…

Aujourd’hui, notre fils est encore un adolescent en grande détresse psychologique et au bord de la rupture très souvent. Mais il s’accroche. 

Niveau scolaire, il est très doué. Mais il est aussi beaucoup en refus de travailler. Service minimum, mais ça fonctionne pour le moment, il a de très bonnes notes et intègre bien ses cours. Avec certains profs, tout se passe à merveille, il adore le prof, il adore le cours. Inversement, lorsque ça ne va pas avec un prof, il déteste la matière. Et ça change chaque année…

Nous avons lutté pendant plusieurs années pour obtenir un accompagnement psychologique. D’abord par la psychologue scolaire. Puis par différents psychologues qui ne prenaient pas à la bonne mesure le problème. Ils ont souvent renvoyé le problème sur la faute des parents, la mère trop laxiste, le père trop sévère… Mais enfin, à force de solliciter et de lutter, nous avons réussi à faire passer à notre enfant le fameux test QI, sans quoi personne ne nous prenait au sérieux. Le résultat était sans surprise pour nous, mais il a permis enfin de faire admettre à différents acteurs de la vie de notre enfant ce que nous disions depuis longtemps : notre enfant est différent, il est en souffrance. Tout a changé depuis, il est nettement mieux intégré par l’équipe enseignante qui fait du bon boulot, il faut le reconnaitre.

Qu’aimerais-tu dire à d’autres parents de zèbres ados qui souffrent pour les aider?

Je leur dirai déjà de se faire confiance, même avec toutes les voix externes et internes qui vous font douter et vous font culpabiliser. Certes tous les enfants ne sont pas HP ni hypersensibles. Mais certains signes ne trompent pas, et sans tomber dans l’effet barnum, ils aident à enclencher des démarches de réflexions et d’analyses. Alors suivez-votre instinct !

Je leur dirai aussi bon courage… Car c’est un parcours du combattant que d’obtenir des rendez-vous, pour faire passer des tests, pour qu’on nous croie.. Malheureusement parfois, il faut tomber au plus bas pour qu’enfin on nous prenne au sérieux ! « Hého, vous voyez bien que notre fils ne va pas bien ! c’est bon là, on peut avoir un rendez-vous avec le psy ? » Quelle lutte.. Elle est épuisante pour la famille. Il faut se serrer les coudes.

Je leur dirai de penser à prendre soin d’eux, surtout les mamans. De prendre du temps pour eux, de chercher des solutions pour se créer des temps de pause, une activité sportive, une soirée entre amis… Pouvoir souffler, décompresser, voir et parler d’autres choses…

Mais surtout, je leur dirai de rester focus sur leur enfant. L’enjeu c’est lui. Nous adultes, nous avons déjà grandi, nous avons déjà mûri. Même si cette période est ultra difficile et peut laisser ou laissera des séquelles au parent ou au couple, nous sommes capables de surmonter ces séquelles, aussi dures qu’elles soient. L’enfant, l’adolescent, lui, n’en est pas capable. Il a besoin de soutien, d’écoute, d’aide. Et tous les efforts doivent être entrepris dans le sens de le protéger et le sortir de tout ça. Concrètement, je ne peux pas dire « faites ceci » ou « ne faites pas cela », c’est à chacun de voir comment et pourquoi ça se passe comme ça chez eux. Mais l’objectif est le même pour nous tous, sauver notre enfant en souffrance ! On va y arriver !

Zen & Zèbre

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